6 janvier 2008

Reconsidérer la chaîne du livre

La vision traditionnelle de la chaîne du livre présente un processus industriel allant de l’auteur au lecteur en suivant un cheminement par étapes successives durant lequel chaque acteur apporte une valeur ajoutée. Dans ce cadre, le livre connaît deux cycles de vie. Le premier cycle décrit la phase de production et de commercialisation de l’ouvrage. Il est dépeint par ladite chaîne et (globalement) maîtrisé par les acteurs du secteur. Le second, la phase post-achat, n’a été que peu analysé et ne semble réellement intéresser le milieu.

Vision traditionnelle de la chaîne du livre : une économie de l’offre

Face à cette approche statique centrée sur les acteurs se développe une vision dynamique focalisée sur les étapes (parfois concomitantes) de production, de mise en public et d’usage par le lecteur. Il s’agit ainsi de proposer une vision continue intégrant les évolutions numériques tout comme les deux cycles de vie du livre. On mesure alors l’impact de la seconde sur la première. En effet, dans ce cadre, chaque jalon de la vie du livre se pose en adéquation avec les autres et participe à l’édification d’une boucle. L’étape de conception regroupe les phases d’écriture et de conception éditoriale dans une optique multi supports. La présentation reprend l’ensemble des efforts marketing et de relations auprès des prescripteurs. La période de vente est envisagée en fonction des différents supports (électronique, impression à la demande, tirage tout numérique ou classique) et de leur temporalité respective. Elle préfigure les temps de consommation (la lecture) et de partage (critiques, échanges en ligne…) qui sont rendus possibles grâce aux TIC. Ces interactions sont ensuite relevées par les outils de gestion de la relation client et sont utilisées pour la création de nouvelles éditions ou même pour d’autres ouvrages connexes.

Une vision dynamique de la chaîne du livre

Cette vision semble décrire une réalité directement observable pour un certain nombre de genres comme l’éducation et la référence. Mais son caractère heuristique peut être remis a priori en question pour les ouvrages qui relèvent de genres tels que la littérature ou l’essai. Adopter cette attitude tend à reconsidérer la vision de l’auteur comme artiste maudit vivant dans une tour d’ivoire sans interaction avec le monde qui l’entoure. Valable au XIXème siècle, cette approche ne paraît plus en concordance avec une conception décentralisée de la création artistique. En effet, les évolutions technologiques et sociales tendent à faire glisser le paradigme de la création dans une posture qui peut être résumée par la déclamation de Bertrand de Chartres : « Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants ». Par ailleurs, on peut penser que ce phénomène prend place dans un cadre plus global au sein duquel la demande du lecteur prend une place plus conséquente* dans la détermination de l’offre éditoriale. Certains iront même jusqu’à penser que le secteur se trouve sur un point d’inflexion et qu’il devrait être marqué par un passage d’une économie de l’offre à une économie de la demande.

Ce changement d’attitude est poussé par les actions des nouveaux entrants dont la stratégie est résolument centrée sur une approche client. Les acteurs du secteur doivent donc adapter leur positionnement face à ces changements structurels qui dépassent largement les confins de l’édition. La chaîne du livre s’en trouve donc renouvelée. Cette tendance risque d’être renforcée par l’arrivée des supports dématérialisés qui offrent de nouveaux créneaux d’exploitation.


On note à ce titre que la demande est de plus en plus analysée dans certains genres littéraires à la mode tels que les littératures policière ou la science fiction. Les lignes éditoriales ont tendance à prendre en considérations les caractéristiques de la demande afin de proposer une offre qui soit en adéquation.

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