11 mars 2008

Quelle protection pour les publications électroniques ?

Gare de Lyon, vendredi soir. Je prends le train sans un livre. Passage obligé dans une librairie entre Hédiard et les guichets sncf. Pas grand chose à se mettre sous la dent. Le dernier McCarthy ? Pas l'envie du moment. Rayon essais ? Rien d'intéressant. Mon regard s'arrête sur les audiolib (la collection de livres audio lancée par Hachette, France Loisirs et Albin Michel). Pourquoi ne pas tenter l'expérience ? Je prends le Grangé (24.49 €!), file sur le quai, trouve la rame, le siège, allume mon laptop, charge l'audiolib et le transfert sur mon Pod. La charmante jeune femme assise à mes côtés est surprise, me pose quelques questions. Après 5 minutes, je lui donne le CD pour qu'elle fasse une copie et nous frissonnons conjointement, isolés dans nos écouteurs respectifs.

Je le reconnais volontiers, ce qui précède est une fiction (il y avait un indice). Il me semble néanmoins intéressant de souligner au moins deux choses:
  • Cette nouvelle offre audio est un signal fort sur un marché français encore à la traîne.
  • Le format numérique des audiolib est le mp3, un format standard sans protection.
Le second point est en phase avec la tendance lancée par Random House, et suivie par d'autres éditeurs comme Penguin. Il est vrai que les majors du disque ont abandonné la gestion numérique des droits (DRM) alors que le piratage est présumé responsable d'environ 20 % de la chute des revenus de l'édition phonographique nord américaine selon l'IPI (un taux surévalué pour certains). La question est tranchée... en matière de livre audio.

En matière de publication électronique (e-books), rien n'est moins sûr. Les dispositifs existent outre-atlantique et ne demandent qu'à être mis en œuvre. Pour autant la corporation n'a pas encore de position affirmée. Les investissements pour appliquer les DRM sont coûteux (architecture du SI, mise en place du Digital warehouse avec outils ad hoc…) et impliquent des relations étroites avec en amont les éditeurs et en aval les sites marchands. Il semblerait que seuls les diffuseurs historiques soient en mesure de développer de telles structures. Les éditeurs vont-ils une nouvelle fois s'en remettre aux diffuseurs/distributeurs?

La véritable question n'est pas là. Il s'agit plutôt de savoir si le secteur a besoin de DRM ou non. La gestion numérique des droits a fait fuir les acheteurs de disques. Les lecteurs auraient-ils la même attitude? Faut-il pour autant se passer de protection sous couvert d'interopérabilité des formats et de liberté à disposer de son bien ?
Pardonnez la mauvaise analogie mais, si l'on ferme à clé une voiture, ce n'est pas pour détourner le voleur professionnel de son méfait (cela n'aurait que peu d'effet) mais pour empêcher les gosses de se tuer en faisant des idioties.
L'alternative réside dans le tatouage numérique (ou watermarking).Avec le watermarking, les fichiers ne sont pas verrouillés mais incluent dans leur en-tête diverses informations dont les nom et prénom de l’acheteur. Cette solution a été adoptée par Apple et son iTunes store en juin dernier. Si pendant les premiers jours les consommateurs ont crié au scandale et au bafouement de leurs droits et de leur vie privée, il semble que le soufflé soit retombé et que la majorité ait rejoint le consensus actuel qui convient qu’il n’y a pas de réel dommage à avoir son nom sur des fichiers achetés, comme on mettrait son nom sur un CD ou un autre support physique.
Ainsi, à
défaut d'obtenir la quasi parfaite traçabilité qu'offre la gestion numérique des droits, il serait possible d'envisager un tatouage qui responsabiliserait le lecteur et s'en remettre à la sagesse des foules (que traite affordance). Des signaux forts militent en ce sens: le piratage a tendance à régresser, tandis que la consommation d'offres légales prend une nouvelle inflexion avec l'arrivée de la vidéo à la demande.
Espérons que la mission de réflexion sur le livre numérique confiée à Bruno Patino achoppe en mai prochain sur des mesures qui puissent à terme satisfaire le lecteur, les éditeurs et les libraires afin de structurer l'inévitable émergence des formats numériques.

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